Voilà c’est fait. Cette création a rencontré le public après deux années de doutes, de rencontres, d’émotions, de joies… Il est toujours difficile de parler de ce que l’on vient de créer mais je préfère en ce jour de relâche nerveuse écrire sur ce qui m’anime en parallèle à ce projet. Le problème de la France aujourd’hui n’est pas son problème avec les politiques mais avec la Politique avec les utopies, les idées. Une certaine frilosité s’exerce dès que l’on veut s’intéresser à l’autre. Nietzsche, comme me le signalait Mathieu, un des comédiens, prône que l’on s’intéresse « au lointain » plutôt qu’au « prochain ». L’amour du lointain.
On ne pourra changer le monde que si l’on s’intéresse à ce qui ne nous ressemble pas mais qui nous unit. Et l’art a un rôle a jouer là dedans et les décideurs de cet art aussi. Il est assez beau, troublant jeudi et vendredi que cette petite ville du Bassin Minier « Avion » devienne pour quelques heures la capitale du Bangladesh.
Pendant l’émission à laquelle participait le Président de la République toute à l’heure, on a dressé le portraits d’électeurs du Front National de Grenay, ville dans laquelle j’ai été en Résidence pendant trois ans. Ce reportage était tronqué comme souvent avec la télé. Il montrait des électeurs de gauche qui avait voté FN et qui ne se cachaient plus, dans cette ville communiste depuis toujours. On ne peut nier que le vote extrême monte sur ce territoire, le canton de Grenay ayant basculé aux mains du FN, mais qu’en serait-il sans le travail extraordinaire de la ville sur le champ culturel depuis plus de douze ans avec le théâtre omniprésent sur les quartiers et la médiathèque estaminet en construction dont l’inauguration aura lieu en juin. Alors bien sûr l’art ne peut à lui seul endigue le fléau du vote extrême mais il pose des digues qui réduisent la capacité de nuisance de ces idées.
Il est troublant de parler du Bangladesh à ces populations en souffrance car elles comprennent bien que tout est lié que nous sommes lié par une mondialisation de la souffrance, de la pauvreté. On doit transformer cette souffrance en union de nos forces, les combats qui nous attendent seront écologiques mais à l’échelle de la planète. Les morts du Rana Plaza sont morts écrasés, les chômeurs du Nord de la France sont eux aussi écrasés sous la coupe d’un capitalisme inhumain qui nous plonge tous dans un chaos qui se rapproche à grand pas.
Hier soir était diffusé mon documentaire OPORAJEO à A PETITS PAS, une association qui travaille sur les questions d’écologie et de développement durable dans le Ternois, la trame verte du Pas de Calais. La discussion qui s’en est suivi était riche car c’était une vraie discussion sur notre rapport à la consommation et nos propres contradictions. Il en est sorti que nous devons nous unir collectivement et ne rien attendre d’une décision qui viendrait d’un homme ou d’une femme providentielle. La révolution sera citoyenne, humaniste, écologique, solidaire, et mondialisée. Nous ferons bouger les choses en France si les choses bougent ailleurs…Nous ne sommes pas le centre du monde, nous faisons partie du monde. Et c’est ce monde qui doit bouger. Et la Culture doit jouer son rôle dans cette construction qui risque de prendre du temps mais ce temps n’est rien à l’échelle de l’humanité
Et comme je l’ai écrit dans le prologue de JE NE VOIS QUE LA RAGE DE CEUX QUI N’ONT PLUS RIEN
Là-bas on meurt de trop travailler
Ici, on meurt de ne plus travailler
Est-ce que c’est cela que nous voulons ?
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